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"L'autonomie des résidents ne m'intéresse pas parce qu'elle me fait perdre de l'argent..." par Cécile Delamarre

Dixit un directeur d'EHPAD et, ne nous leurrons pas : que les directeurs, dont l’esprit n’a jamais été effleuré par cette pensée, jettent la première pierre !

 

Comment voulons-nous qu'il en aille autrement à partir du moment où les pouvoirs publics ont choisi de subventionner la DÉPENDANCE et pas l'AUTONOMIE.

EHPAD = Établissements d'Hébergement pour Personnes Âgées DÉPENDANTES !

 

Rien que les mots "Personnes Âgées" me font grincer des dents...

JE SUIS UNE PERSONNE ÂGÉE ! 

C'est-à-dire une personne qui a un âge, qui devient tout doucement respectable, certes, même si encore en-deçà de celui de nos aînés.

SCOOP : mon fils est une personne âgée aussi.

Tout comme l'enfant qui vient de naître, même si cet âge se compte en minutes puis en heures ou en jours.

 

Trèfles (à 4 feuilles) de bavardage !

 

L'éloge de la dépendance est actif à tous les étages de notre société...

Prenez les écoles : elles seront d'autant plus privilégiées et prioritaires (ZEP) que les élèves ne parviennent pas à suivre ni à intégrer/régurgiter le contenu du programme scolaire.

Qu'en est-il des surdoués qui s'ennuient à longueur de journée : y aura-t-il des professeurs en plus pour avancer avec eux dans d'autres matières ?

Non, évidemment...

 

Les piliers de notre société sont visiblement enracinés dans la politique de l'échec et de la déchéance.

Comment réussir à échouer ? 

Une réponse simple : payer pour les échecs, subventionner la dépendance!

Ces choix ont quelque chose de pervers...

 

Les pouvoirs publics sont-ils à ce point convaincus que seule la dépendance a un prix ?

 

L'autonomie en a un aussi : le prix de l'accompagnement au jour le jour, incluant celui d'apprendre à connaître chaque personne ; le prix du temps passé pour faire "avec" la personne et non pas faire "pour" ; le prix du temps passé pour se poser près de la personne, juste pour "être avec" elle; le prix de la formation des aidants et de la réflexion sur ce que nous choisissons de donner à vivre à nos aînés, à nos adultes âgés...

 

Tenez, une idée comme ça, en passant ; et si on calculait un forfait de base ; et si on le majorait pour toute acquisition d'autonomie des aînés ?

Je dis ça mais je ne dis rien, hin...

 

Qui osera sortir sa calculette pour évaluer le coût de la dépendance ?

Que coûtent les chutes (qui sont souvent en lien avec la perte de ses repères et de l'estime de soi) ?

Que coûtent les troubles du comportement chez des personnes qui s'ennuient à longueur de journée, qui se sentent abandonnées et dévaluées ?

Que coûte la consommation médicamenteuse, y compris pour des troubles anxieux ou dépressifs ?

 

Je n'en suis même plus au stade d'attirer l'attention sur la valeur de l'humain et de l'humanisme (quoi que...) : ici, j'en suis au stade de la simple calculette !

Au stade de simples additions, et je pose la question : sur le plan financier, est-on certain que la dépendance coûte moins cher que l'autonomie ?

 

Sur le plan de la "pensée circulante", il est évident que la dépendance coûte moins cher !

Rien ne vaut un aîné "désorienté" qui présente des troubles cognitifs et qui, dès lors, ignore où se trouve le bureau de la direction pour se plaindre ou, plus encore, qu'il bénéficie de recours s'il n'est pas satisfait des soins qui lui sont donnés.

Rien ne vaut une personne aphasique et "grabataire", qui ne peut se plaindre de rien et peut être laissée seule dans son coin. 

Rien ne vaut les neuroleptiques (payés par la sécu) donnés le soir pour pouvoir diminuer le nombre de personnel : j'en passe et des meilleures !

Oui, cent fois oui, dans ces perspectives-là, la dépendance est bien moins onéreuse.

 

Juste une question : le choix des subventions est-il à l'image des choix de société voulus par les décideurs publics ?

Une autre question peut-être : si les décideurs publics choisissent de payer la dépendance plutôt que l'autonomie, qu'ont-ils à y gagner ?

Mais je vais m'arrêter là, faute de quoi c'est moi qui serai bientôt taxée de perversion…

 

Cécile Delamarre

 



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